CE n° 465818 Mme A du 3 novembre 2023
Ce nouveau congé, issu d’une ordonnance (n° 2017–53 du 19 janvier 2017), garantit aux fonctionnaires en activité le bénéfice d’un congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS) si leur incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable, un accident de trajet ou une maladie professionnelle (article L. 822–21 du code général de la fonction publique). A disparu, en conséquence, toute mention d’une imputabilité au service dans les dispositions sur les congés de maladie.
Par ce congé, l’agent reste dans une situation financière favorable, conservant tout son traitement jusqu’à sa reprise ou sa retraite, et un droit au remboursement des frais directement entraînés par la maladie ou l’accident (article L. 822–22 du code).
Le décret sur la maladie est réadapté avec un nouveau titre sur le CITIS (articles 37–1 à 20 du décret n° 87–602 du 30 juillet 1987). Il impose à l’agent d’adresser à l’employeur une déclaration d’accident de service, de trajet ou de maladie professionnelle, sous 15 jours pour les accidents et 2 ans pour la maladie professionnelle, sous peine de rejet de sa demande.
La déclaration comporte un formulaire en précisant les circonstances et un certificat médical indiquant la nature et le siège des lésions et, le cas échéant, la durée probable de l’incapacité de travail.
Si, à leur terme, il n’a pas achevé l’instruction du dossier, il place l’agent en CITIS à titre provisoire, pour la durée d’incapacité de travail figurant sur le certificat médical.
Cette décision, notifiée à l’agent, précise qu’elle peut être retirée si, au terme de l’instruction, l’employeur ne constate pas d’imputabilité au service. Il prendra alors les mesures nécessaires au reversement des sommes indûment versées (articles 37–4, 5 et 9 du décret).
La coexistence de deux CITIS
Pour le rapporteur public, le décret fait coexister 2 placements en CITIS, provisoire et définitif. Le premier tire les conséquences d’une instruction se prolongeant au-delà des délais du décret, et le limite à la durée fixée par le certificat médical, avec un dispositif d’information de l’agent, notamment sur la possibilité d’un reversement.
Si, en effet, le CITIS gère l’invalidité temporaire de l’agent (par opposition à l’allocation temporaire d’invalidité - ATI) ou la rente d’invalidité en cas de retraite qui indemnise l’invalidité définitive, l’octroi du congé peut n’être que provisoire.
Mais l’octroi d’un CITIS « provisoire » peut se lire de deux façons. On peut considérer que le dépassement du délai d’instruction entraîne automatiquement l’octroi d’un congé pour invalidité temporaire imputable au service provisoire, l’obligation de notification et d’information de l’agent d’une possibilité de retrait n’étant que procédurale et sans incidences sur le caractère provisoire du placement en congé.
Cette lecture paraît conforme à l’esprit de la loi, qui a souhaité renforcer les garanties des agents face à un accident ou une maladie professionnelle, et non donner une prime à l’employeur négligeant dans l’instruction du dossier. L’octroi du CITIS ne saurait donc se retourner contre le fonctionnaire en permettant à l’employeur de retirer tardivement une reconnaissance d’imputabilité.
En pratique, et comme le recommande la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), le placement en CITIS provisoire devrait préciser que l’instruction du dossier est en cours, que ce congé est accordé à titre provisoire avec les droits associés, et que si, au terme de l’instruction de la demande, l’imputabilité n’est pas reconnue, l’employeur prendra les mesures nécessaires au reversement des sommes indûment versées. A minima, quelle qu’en soit la forme, l’agent devra avoir été prévenu sans ambiguïté de la précarité de sa situation.
Une présomption de CITIS définitif
À défaut, il bénéficiera du CITIS à titre définitif, l’employeur s’étant prononcé sur l’imputabilité et ayant placé, le cas échéant, le fonctionnaire en congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la durée de l’arrêt de travail, signifiant qu’il a bien constaté l’imputabilité de la maladie ou de l’accident (article 37–9 du décret).
Symétriquement, le placement en CITIS au terme de l’instruction signifie que l’accident ou la maladie a nécessairement et définitivement été reconnu imputable, et que le congé n’a aucun caractère provisoire.
Pour le rapporteur, l’employeur qui ne précise pas clairement que le CITIS a un caractère provisoire, ne préjugeant en rien de la reconnaissance ultérieure d’une imputabilité, et que l’instruction de la demande est toujours en cours, reconnaît l’imputabilité, même si sa décision intervient avant l’expiration des délais d’instruction.
Cette approche neutralise, pour le rapporteur, les effets financiers préjudiciables d’un CITIS provisoire, et rapproche les agents publics des salariés de droit privé. Dans le code de la sécurité sociale, l’absence de décision ou de notification de la caisse primaire dans les délais qui lui sont fixés entraîne la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie (article R. 441–18 du code de la sécurité sociale).
Elle s’inscrit aussi dans la jurisprudence qui qualifie le placement en congé pour accident de travail, de décision créatrice de droit (CE n° 371460 M. B du 23 juillet 2014). En conséquence, les possibilités de retrait (comme d’abrogation) à l’initiative de l’employeur ou sur la demande d’un tiers sont limitées à 4 mois suivant l’intervention de la décision, et pour illégalité (CE n° 306084 M. A du 6 mars 2009 et article L. 242–1 du code des relations entre le public et l’administration).
L’absence de décision claire
Dans l’affaire, le maire reconnaît l’imputabilité de la rechute, 3 semaines seulement après le certificat médical. Mais il estime que sa décision a un caractère provisoire et que l’instruction de la demande n’est pas terminée. C’est d’ailleurs à la suite de l’avis défavorable du conseil médical, le 30 mars 2022, qu’il refuse de reconnaître l’imputabilité de la rechute.
Mais, comme le relève le rapporteur, ni les visas, ni les dispositions de l’arrêté ne mentionnent ce caractère ou que l’instruction soit en cours, et l’élu n’a pas statué sur l’imputabilité, ni précisé à l’agent qu’il est exposé à un risque de retrait et de reversement.
L’élu mentionne simplement qu’en l’état des éléments concernant l’accident initial, sa consolidation et la rechute, un placement en CITIS est nécessaire. Et aucun autre élément ne montre que la commune a prévenu la fonctionnaire de risques associés à ce CITIS.
En outre, l’avis défavorable du conseil médical suit une visite de contrôle du médecin agréé, l’employeur pouvant à tout moment faire contrôler un fonctionnaire en CITIS par un médecin agréé, visite qui devient obligatoire au moins annuellement au-delà de 6 mois de prorogation du congé initial.
La commune n’a donc pas placé l’agent en CITIS provisoire et l’arrêté du 25 avril 2022 refusant de reconnaître l’imputabilité a retiré celui du 19 août 2021 plaçant la femme en CITIS, au-delà du délai de 4 mois pour retirer une décision créatrice de droit. De la même façon, les arrêtés de prolongation, susceptibles de retrait parce qu’antérieurs de moins de 4 mois à la décision d’avril 2022, obligeaient le maire à prouver que l’agent n’était plus malade ou son affection non liée à sa rechute.
Une imputabilité présumée définitive
Le Conseil d’État confirme que si l’employeur place un agent en congé pour invalidité temporaire imputable au service, il doit être regardé comme ayant, au terme de l’instruction, reconnu l’imputabilité de l’accident ou de la maladie, une décision créatrice de droit pour l’agent.
Sous réserve de texte législatif ou réglementaire contraire, et hors le cas où l’employeur satisfait à une demande de l’agent, il ne peut retirer ou abroger un tel arrêté, s’il est illégal, que dans les 4 mois de son adoption, et ne saurait ultérieurement, en l’absence de fraude, remettre en cause l’imputabilité au service ainsi reconnue.
Mais tel ne sera pas le cas si l’employeur a entendu utiliser la possibilité dont il dispose, s’il ne peut pas instruire la demande de l’agent dans les délais fixés par les textes, de le placer en CITIS à titre seulement provisoire, et que la décision précise qu’elle peut être retirée, un tel placement ne valant pas reconnaissance de l’imputabilité et pouvant être retirée si, au terme de l’instruction de la demande, elle n’est pas reconnue.
Dans l’affaire, la décision du 19 août 2021 accordant le CITIS ne précise pas qu’elle peut être retirée au terme de l’instruction. Le placement en CITIS n’a donc pas un caractère provisoire, mais reconnaît l’imputabilité de la rechute. Le retrait de cette reconnaissance, décision créatrice de droit, était donc impossible plus de 4 mois après son prononcé, et l’employeur ne pouvait pas davantage retirer les arrêtés ultérieurs prolongeant ce congé. Le tribunal a donc commis une erreur de droit en refusant d’admettre que pesait un doute sérieux sur la légalité du retrait.
CE n° 465818 Mme A du 3 novembre 2023 et concl.
Pierre-Yves Blanchard le 09 avril 2024 - n°1854 de La Lettre de l'Employeur Territorial
- Conserver mes publications au format pdf help_outline
- Recevoir par mail deux articles avant le bouclage de la publication.help_outline
- Créer mes archives et gérer mon fonds documentairehelp_outline
- Bénéficier du service de renseignements juridiqueshelp_outline
- Bénéficier du service InegralTexthelp_outline
- Gérer mon compte abonnéhelp_outline